Quotidien d'étudiants trans à Nanterre

Par Marine RESSE

Publié le 17 décembre 2017 Mis à jour le 17 décembre 2017

"Cet article du Phare Ouest a choisi de transcrire le quotidien de trois étudiant·e·s du campus de Nanterre, Charlie, Maelle et Ray, qui tou·te·s trois en licence de psychologie témoignent aujourd’hui de leur parcours en tant qu’étudiants trans." - Extrait de l'article


Le 21 octobre 2017, ielles* étaient 4000 à défiler dans les rues de la capitale pour la 21e édition d’Existrans. Réunies au départ du métro Belleville, le cortège de militant·e·s, bien déterminé·e·s à interpeller politiques et citoyen·ne·s sur leurs droits et conditions de vie scandaient leur ras le bol : « On en a marre ! On en a marre de se faire insulter, trans & intersexes, on veut nos papiers ! »

Manifestation Exitrans 2016 (crédits-photo : Flickr)

Né en 2001, le collectif Existrans réunit chaque année plusieurs associations qui militent pour les droits des personnes trans et intersexes. En marge de la « marche des fiertés LGBT » qui se tient chaque année au mois de juin, le collectif, dont les revendications sont souvent floutées au profit des personnes « LGB », organise une marche des fiertés trans militant pour des revendications politiques, de sensibilisation, mais aussi pour lutter notamment contre l’invisibilité des personnes trans et faire valoir leur droit d’être.

Car la France, en comparaison avec ses voisins européens, est en retard en matière de droits et d’égalité concernant les personnes transgenres. Rappelons qu'en 2012, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, avait promis de donner aux personnes trans des papiers en accord avec leur identité — une identité avec laquelle ielles vivent au quotidien —- qui n’est pas reconnue par l’État car elle n’est pas en conformité avec l’état-civil. Depuis, une légère simplification des procédures a été entreprise : il n’est plus question de passer par un médecin pour faire changer son état-civil, mais cette procédure est laissée à l’approbation du juge, qui peut décider ou non, en fonction de critères arbitraires, de délivrer des papiers. Il est donc encore très difficile d’obtenir des papiers conformes à son identité. Par ailleurs, il règne administrativement un flou général et, dans de nombreuses situations, la reconnaissance de son identité est laissée à l’approbation de juges ou de professeur·e·s.

Cet article du Phare Ouest a choisi de transcrire le quotidien de trois étudiant·e·s du campus de Nanterre, Charlie, Maelle et Ray, qui tou·te·s trois en licence de psychologie témoignent aujourd’hui de leur parcours en tant qu’étudiants trans.

« Rien n’est fait pour nous ! » déplore Charlie, 20 ans, en licence 2 de psychologie. Tous trois sont unanimement d’accord sur le manque de renseignements et de structures adaptées à la fac. « Lorsque j’ai demandé à changer le prénom sur ma carte d’étudiant, raconte-t-il, la personne chargée de l’administration semblait perdue. Finalement, cela nous a été refusé au motif que ce prénom ne correspond pas avec mon état civil. »

La législation reste assez floue sur ce sujet. Si certaines universités, comme celle de Tours, choisissent de faciliter le parcours des étudiant·e·s trans en autorisant les changements de prénoms sur les cartes d’étudiant·e·s, la majorité des universités se cantonnent à la réglementation en vigueur où le prénom doit correspondre à celui mentionné à l'état-civil. Seulement, ce n’est pas le cas pour les personnes transgenres qui vivent et sont connu·e·s sous une autre identité que celle enregistrée à l'état-civil.

« Le plus dur, c’est de voir que personne ne peut nous aider : il faut aller chercher seul·e les informations et solliciter la bienveillance des professeurs », témoigne Ray 19 ans, étudiant en L1, dont le changement de prénom a également été refusé, « C'est difficile de se heurter à une structure qui n’est pas adaptée pour tout le monde », précise-t-il. Pour tous les trois, la plupart de leurs chargé·e·s de TD ont accepté qu’ielles notent sur leurs copies leur prénom d’usage , « mais je rajoute quand même mon deadname* pour ne pas qu’il y ait de problème pour les notes de partiels », ajoute Charlie, inquiet que ces accommodements particuliers puissent provoquer des couacs administratifs. Les étudiant·e·s déplorent un manque d’information générale.

« Je ne dirai pas que la fac est fermée, mais elle n’est pas non plus ouverte » selon Charlie. Maelle a annoncé sa transidentité a quelque ami·e·s, « mais je n’ose pas encore corriger les gens en amphi, c’est difficile de devoir faire tout le temps de la pédagogie, se justifier, soutenir les regards », ajoute-t-elle. Elle témoigne également de l’hypocrisie qui plane sur la transidentité : lorsqu’elle a annoncé à son groupe de TD qu’il fallait la genrer au féminin, certain·e·s l’ont fait sans problème, d’autres ont reçu la nouvelle de manière tolérante mais certains n'ont fait aucun effort pour la genrer correctement, argumentant sur « l’habitude » ou encore « le réflexe ». « On nous dit souvent que c’est difficile de ne pas se tromper, mais personne ne peut comprendre l’importance pour nous d’être reconnu·e·s et validé·e·s· tel·le·s que nous le sommes vraiment ».

Pour Charlie, « ce n’est pas aux personnes trans de faire de la pédagogie ». S’il répond volontiers aux interrogations, il se dit parfois choqué de la teneur de certaines questions ou remarques d’étudiants, mais il ne se laisse pas faire : « Je ne permettrais pas qu’on me mégendre** ou qu’on se permettre de mégenrer mes ami·e·s en amphi. Je suis là pour écouter, mais si quelqu’un se permet une remarque sur mon orientation sexuelle ou mon genre, je remets les choses à leur place tout de suite ». Pour autant, l’annonce de sa transidentité a été plutôt bien perçue à la fac. « Quand j’ai dit à mon prof qu’en dépit de mon identité civile, j’étais un garçon et que je voulais être considéré comme tel, il m’a serré la main en me disant : ''Bienvenue au club !'' » témoigne l’étudiant.

Si la visibilité de la communauté trans s’est accrue dans l’espace médiatique, en particulier grâce aux séries telles qu’Orange Is the New Black (qui a révélé l’actrice Laverne Cox), ou encore à Jamie Clayton (Sense8), au quotidien, les personnes trans souffrent de discriminations, souvent basées sur des stéréotypes et idées préconçues. « Au sein même des associations LBGT on n'a pas notre place, il faudrait qu’on crée une association pour se retrouver et faire partager nos problèmes », déplorent les étudiant·e·s. Une association trans à Nanterre ? Affaire à suivre...


Laverne COX à la marche Trans de San-Francisco en 2015 (crédit-photo : Wikimedia Commons)

Rédigé par Marine Resse
05/12/2017

Mis à jour le 17 décembre 2017