First man : le premier homme sur la lune

Publié le 4 décembre 2018 Mis à jour le 31 mars 2020

Sorti le 17 octobre 2018, réalisé par Damien Chazelle, et mettant en scène, entres autres, Ryan Gosling, First man – Le premier homme sur la lune vise autant à parler de l’homme que de l’humanité. On est ici à des années lumières de la science-fiction et encore plus du documentaire.

Par Adrien Camus

Sorti le 17 octobre 2018, réalisé par Damien Chazelle, et mettant en scène, entres autres, Ryan Gosling, First man – Le premier homme sur la lune vise autant à parler de l’homme que de l’humanité. On est ici à des années lumières de la science-fiction et encore plus du documentaire.

Le premier homme raconte l’histoire d’un homme, ou plutôt de deux hommes : Neil, le père et le mari ; Armstrong, l’astronaute et le héros. Tandis que le film enchevêtre l’histoire de ces deux hommes, on s’aperçoit en fait bien vite que les aspirations de l’astronaute vont condamner celles de l’homme. En effet, comment ce personnage, en tant que père et que mari, peut-il ne pas résister à cette apesanteur de héros et d’astronaute ?

Son objectif extraterrestre, pas seulement le sien, semble l’accaparer tout entier, laissant ainsi sur Terre deux petits garçons et leur mère, seuls dans la peur de l’inconnu et de la perte de cet être qui, à défaut de servir ses proches, servira l’humanité. Alors que rien ne prédestinait cette petite famille, déjà touchée par les malheurs de la vie sur Terre, à ce quotidien exceptionnel, celle-ci va pâtir des problèmes que peuvent poser à un homme le premier voyage sur la lune. En effet, le projet accapare le héros tout entier et l’extirpe de son milieu. Celui-ci s’éloigne, pas encore physiquement mais déjà sentimentalement, de son cocon et se laisse déjà porter vers d’autres horizons. Ainsi, la veille du départ, celui-ci demeure complètement insensible à l’angoisse de ses proches et de ses petits garçons. Cependant, à en voir les émotions qui transparaissent de ce personnage, ne profite-t-il pas de cette expérience pour faire de cet éloignement une fuite ? N’y-a-t-il pas derrière ce voyage sur la lune, une tentative de déni du deuil de sa fille et d’une condition ? Mais ne reste-t-il pas, malgré ses efforts pour s’échapper, retenu par une gravité terrestre et humaine ?

On remarque alors toute la profondeur de cette célèbre phrase : « Un petit pas pour l’homme ; un grand pas pour l’humanité ». L’homme derrière cet exploit n’a en effet pas avancé beaucoup, emmenant jusque sur l’astre lunaire sa peine et portant un deuil qu’un aussi long voyage n’aura pas suffit à effacer. La tristesse d’Armstrong, aussi vaste que l’infini qui l’entoure une fois sur la lune, rappelle que l’homme est enclin à une solitude particulière : celle-ci se matérialise pour une ultime fois, la plus poignante, loin de toute cette agitation que ce voyage aura suscité, lorsque vient le moment pour Armstrong de se séparer du bracelet de la fille de Neil.

Le film s’attache, avec toute la scénarisation possible, moins à raconter l’histoire du voyage sur la lune, que l’histoire de l’homme qui a voyagé. Ainsi, choisir cette double-représentation du héros pose une terrible question : que reste-t-il à l’homme pour échapper à sa condition lorsque même près de 380 400 kilomètres ne suffisent pas à l’oublier, ou simplement à la surmonter ? La fuite, même si celle-ci mène sur la lune, ne libère de rien : au contraire, elle fait ressentir encore plus intensément ce vers quoi l’on tend.
Le spectateur ressort tout de même de ce film avec une certitude : alors que Neil n’a pas trouvé sa place sur Terre, Armstrong a trouvé sa place sur la Lune...et dans l’Histoire. Cela pose tout de même la question de la place de l’Homme dans l’histoire de l’humanité. Qui réalise donc cet exploit de voyager sur la lune ? Alors que l’espace se reflète mystérieusement sur la vitre du masque de l’astronaute, une réponse semble apparaître derrière celle-ci : un homme dépourvu de destin sur Terre et que la Lune aura volé à une famille, mais que l’histoire, la science, et l’humanité retiendront sur Terre pour son sacrifice. Car oui, dans une moindre mesure mais à l’image de Mandela, Abraham Lincoln ou Martin Luther King, c’est-à-dire à l’image de tous ceux qui auront fait avancer l’histoire, ceux-ci ne l’auront fait avancer qu’au prix du sacrifice de leur existence, y laissant parfois leur vie, parfois leur tranquillité…et parfois leur famille. Ainsi, à chaque fois que l’humanité gagne, c’est un homme qui se perd.
 

Mis à jour le 31 mars 2020