Marine Le Pen en Russie

Publié le 4 avril 2017 Mis à jour le 29 octobre 2017

Une poignée de main pour prendre rendez-vous. Ce vendredi 24 mars, le président russe Vladimir Poutine, a reçu la candidate du Front National Marine Le Pen. L’occasion pour la présidente du parti frontiste de parfaire sa stature internationale et de consolider l’alliance entre eurosceptiques engagés dans un plan de démantèlement de la construction européenne. Une bouffée d’oxygène dans un climat national propice aux affaires. Avril s’annonce rock’n roll !

Date(s)

le 24 mars 2017


A l’intérieur des frontières françaises, la réussite « sondagière » de Madame Le Pen ne masque pas les tracas judiciaires avec lesquels elle doit composer, notamment le financement de ses différentes campagnes depuis 2011, sous le coup d’une enquête pour fraude. En parallèle de ce magma procédurier, plusieurs médias français ont révélé l’existence de sommes très importantes (2 et 9 millions d’euros) prêtées par des établissements bancaires sous tutelle russe au parti de la droite extrême. Le fait que cet argent provienne de ce pays en particulier concentre les attaques des opposants à Marine Le Pen, qui tentent de la discréditer en arguant d’un risque d’assujettissement de cette dernière au pouvoir russe. Ce à quoi la présidente frontiste réplique en mettant en cause le « système » qui l’oblige à aller prospecter à l’étranger car les banques françaises refusent de lui prêter.
 
Le FN est-il vraiment la victime d’un « système » ? La réponse est nuancée. D’un côté, il est vrai que le parti pâtit de son image du côté des établissements bancaires français. Sa situation financière (et judiciaire) n’est pas non plus des plus saines, ce qui ne garantit pas un remboursement sans accroc. De l’autre, les dernières affaires financières de certains partis politiques ont discrédité la capacité des structures partisanes à pouvoir garantir un respect de leurs obligations légales.
Si la bataille judiciaire est loin d’être gagnée pour le FN, le succès sur le terrain des idées se consolide selon l’étude annuelle du baromètre de l’image du FN réalisée par l’institut Kantar Sofres-Onepoint pour France Info et Le Monde en date du 7 mars 2017. En effet, 33% des sondés s’estiment en accord avec les idées défendues par le parti. De même au plan international avec la victoire du Brexit. Ou encore celle de Trump aux Etats-Unis. Ajoutons que le chef du Kremlin et Marine Le Pen partagent la même vision du prochain tournant géopolitique que pourrait prendre le monde. Selon la candidate d'extrême droite, le modèle sociétal et diplomatique de la Russie poutinienne est une réussite vers laquelle il faut tendre et le pays est un « élément décisif de l'équilibre des forces qui peut pacifier la mondialisation ».
Il est un homme en Russie qui a théorisé le nouvel impérialisme de la Nation des Tsars, il s’appelle Alexandre Douguine. Géopoliticien, philosophe, cet intellectuel inonde les médias russes de ses thèses ultranationalistes depuis la crise en Ukraine. Selon lui, c’est un neo-eurasisme qui doit orienter les décisions stratégiques de Poutine. Une idéologie qui prend comme adversaire « l’Occident décadent » porteur de « velléités libérales et démocratiques délétères » et qui prône une conquête des territoires eurasiatiques de l’Ouest de l’Europe à l’Asie orientale par la « Nouvelle Russie », un « troisième continent ». C’est là qu’intervient le projet de délitement de l’Union européenne par l’accroissement de la présence russe dans les pays limitrophes. Les Pays Baltes et l’Ukraine, les anciens territoires sous influence soviétique, sont en première ligne. La prise en main de nouvelles terres y a débuté avec la Crimée en 2014. L’annexion s’est faite car, selon les russes, le pouvoir de Kiev opprimait les russophones de la rive orientale du Dniepr. Sans réaction vive de l’Union européenne. Derrière la « junte » de Kiev, Douguine voit la main des Etats-Unis agissant dans une tentative de « conserver leur hégémonie mondiale ».
L’ambition expansionniste de la sphère d’influence russe devrait donc se poursuivre avec l’attraction des pays aux mains de partis eurosceptiques séduits par ce discours nationaliste et ultra conservateur, favorable à l’affirmation d’un pouvoir fort, parmi lesquels notamment le FN en France. La concrétisation de cette ambition passe aussi par les canaux d’information, notamment les sites Sputniknews et RT. Dans un article en date du 17 février 2017, le site France 24 s’interrogeait sur « l’ombre de Moscou » qui « plane sur la présidentielle française » en mettant en avant les deux sites russes évoqués précédemment, financés par le Kremlin, et suspectés de véhiculer la propagande russe à l’international et de se faire le relais de rumeurs douteuses sur Emmanuel Macron notamment (par exemple sur son orientation sexuelle, en lui prêtant une aventure avec Mathieu Gallet, PDG de Radio France). La victoire de Marine Le Pen viendrait sinon affaiblir encore plus l’Union européenne après le Brexit, du moins signer sa fin et surtout concrétiser la mainmise de Poutine sur la géopolitique actuelle.

Rédacteur : Simon Brenot

Mis à jour le 29 octobre 2017