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Destination 4 : Chennai en Inde. Vanakam !
Publié le 10 mai 2018
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Mis à jour le 6 août 2018
Noémie nous emmène à la découverte de ce pays d'Asie et de l'édition jeunesse, entre rapports étroits à l'Occident et affirmation de l'identité indienne
Préparez les saris et les kurta, on embarque dans un tuk-tuk, direction Chennai, au sud-est de l'Inde, pour la quatrième escale du tour du monde de l’édition jeunesse 7 lieues et un livre. Le territoire tamoul s’offre à vous ce mois-ci.
Qu’ai-je appris sur le métier d’éditeur jeunesse et sur le monde du livre en Inde ?
L’Inde est un grand pays, un continent à lui seul. Le marché du livre pour enfants y a donc de beaux jours devant lui même s’il est encore très dépendant des écoles et de la valeur éducative des livres. Il suffit d’aller à la bibliothèque Anna Centenary de Chennai, la seconde plus grande en Asie, pour se rendre compte que le livre est associé aux études. Dans le domaine de la littérature jeunesse, le fossé est large entre les titres commerciaux des filiales des grands groupes éditoriaux anglo-saxons comme Penguins ou Harper Collins (aux couvertures strass et paillettes et aux histoires mettant souvent en scène des franchises très connues comme celles de Disney) et l’édition indépendante. Rares sont les librairies proposant des ouvrages de cette dernière, faute d’un réseau de distribution efficace.
Si les Indiens se tournent beaucoup vers les titres anglais et américains en matière de livres (qu’ils soient jeunesse ou non), c’est en partie à cause de la diversité qui caractérise ce pays — diversité des langues tout d’abord qui implique un parti pris pour chaque éditeur. Une bonne vingtaine de langues sont officiellement reconnues en Inde et, dans les classes sociales les plus éduquées, seul l’anglais fait consensus. Ainsi, de nombreux éditeurs préfèrent publier dans cette langue plutôt que dans des langues régionales pour toucher un public plus large. Au contraire, d’autres éditeurs ont fait de cette pluralité des langues un marqueur d’identité et publient des livres destinés à un marché spécifique ou les mêmes livres en diverses langues.
Autre richesse du pays, la place de l’art et de l’illustration. Il suffit de se promener dans les rues indiennes pour comprendre que les couleurs et les formes ont un sens tout particulier ici. Les livres jeunesse puisent dans le patrimoine pictural des différentes tribus locales. Chaque tribu se distingue par sa manière de dessiner et de représenter ses mythes et ses réalités. L’art Bhil, issu d’une tribu du centre de l’Inde, reprend le principe du pointillisme en proposant des illustrations dessinées point par point sur les murs et les plafonds des maisons.
Et d’un point de vue personnel ?
Si je n’ai pas eu vraiment l’occasion de vadrouiller en Inde (dû à des semaines de travail à rallonge, à une météo très chaude et à des distances très importantes), j’ai pu échanger avec des voyageurs et avec des Indiens sur les différentes régions du pays. D’un endroit à l’autre, tout est différent : la langue, la nourriture, le climat, les habitudes de vie… L’Inde est un pays impossible à saisir d’un seul tenant, il faut des mois et des mois pour le parcourir.
Une de mes principales interrogations avant de partir concernait la place des femmes dans la société indienne. À Chennai, j’ai été plutôt positivement surprise à cet égard. Les femmes travaillent (toutes les maisons d’édition où j’ai pu me rendre dans le cadre de cette escale en Inde sont dirigées par des femmes au caractère bien trempé), conduisent des scooters… J’ai même pu découvrir le film indien Dangal qui raconte l’histoire d’un père qui veut à tout prix que ses filles deviennent catcheuses et doit combattre les préjugés sexistes autour de ce sport. Bien entendu, tout n’est pas rose pour autant. Si vous êtes une femme et que vous fumez ou que vous vous habillez à l’occidentale, vous risquez de vous exposer aux regards désapprobateurs ou à des remarques dont vous vous passeriez bien. Autre exemple significatif, dans le bus, il n’est pas rare de constater que les sièges de gauche sont tous occupés par des femmes tandis que les sièges de droite sont ceux des hommes.
L’Inde est un pays considéré souvent comme particulièrement fascinant. À Chennai, j’ai une nouvelle fois logé dans une auberge de jeunesse et j’ai été particulièrement surprise par le profil des autres voyageurs. Chennai n’est pas une ville touristique et la plupart des gens qui s’y rendent sont là en transit. Curieusement, beaucoup de voyageurs avec qui j’ai pu converser voient le voyage en Inde comme une quête spirituelle ou un défi personnel. De temple en temple, de séances de méditation en lecture des mythes traditionnels, chacun recherche la paix intérieure dans un des pays les plus chaotiques qui soit. Drôle de paradoxe !
Une dernière petite anecdote ?
L’un des points qui a le plus marqué mon voyage est sans conteste l'adaptation progressive dont j'ai dû faire preuve. L’Inde est probablement le pays le plus « exotique » dans lequel je vais me rendre au cours de ce tour du monde. Même si je n’aime pas trop ce mot qui relève pour moi davantage des attentes que l’on peut avoir avant de voyager davantage que de la vie quotidienne une fois sur place, il faut bien avouer que j’ai pris mon temps pour m’adapter aux rythmes et aux us du pays. Les premiers jours, on observe comment la vie s’organise autour de nous et on copie un peu ce que l’on voit, notamment du point de vue des normes vestimentaires ou des relations avec les gens. M’étant un peu renseignée en amont, je m’attendais, en tant que femme, à devoir sortir les jambes et les épaules couvertes. J’ai eu la chance aussi d’être accompagnée dans certaines de mes découvertes pour pouvoir progressivement apprendre le fonctionnement des bus ou pour acheter une carte Sim. Petit à petit, on habitue son corps aux épices et à la chaleur ; pour ne pas être malade, il est important d’accepter de faire un compromis entre ses propres habitudes de vie et les découvertes/contraintes imposées par le pays. Ou alors, j’ai juste un système immunitaire très efficace !
Mis à jour le 06 août 2018