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Arrêtons de parler de La La Land
Oui je sais, c’est paradoxal dans un article intitulé “arrêtons de parler de La La Land” de parler justement dudit film. Mais il est temps de crever l’abcès : La La Land n’est pas le film de l’année ! Oui braves gens, vous avez été dupés, manipulés, aveuglés par le strass et les paillettes d’Hollywood. Ce film est une pâle copie de différentes comédies musicales, une “romance à la parisienne” (à prononcer avec l’accent anglais pour plus de charme), rempli de citations et références à d’autres films.
Cependant, rendons à César ce qui est à César : le travail des couleurs, le cadrage, les paysages sont beaux. Le directeur de la photographie, Linus Sandgren, a fait du très bon travail, les plans s’inspirent beaucoup des tableaux d’Edward Hopper, et beaucoup de scènes sont des références aux comédies musicales des années 40, mais aussi à Gone With the Wind (Autant en Emporte le Vent, Victor Flemming, 1939, qui n’est pas une comédie musicale), et aux films musicaux du français Jacques Demy. Alors oui c’est beau, mais il y en a partout ! L’interêt de la citation au cinéma, c’est d’apporter quelque chose à la narration, d’enjoliver certains plans, mais ça doit rester discret. Ici le réalisateur nous hurle au visage “Hey ! Regardez j’ai vu ces films et je fais comme eux ! Aimez-moi !”, les citations perdent de leur subtilité, et surtout n’apportent pas grand chose à l’histoire.
Enfin, le scénario est creux, Dieu qu’il est vide ! On connaît la fin au bout des dix premières minutes, le film tente de se montrer vaguement poétique, mais comme il ne le fait qu’à moitié... ça tombe à l’eau : soit on va à fond dans l’onirique avec une vraie dissociation entre la réalité et le rêve sous forme de numéro musical, comme le fait Chicago (Rob Marshall, 2002), soit on ne le fait pas, mais dans le cas de La La Land on se retrouve dans un entredeux bâtard qui peut être déroutant. Ce qui m’agace le plus c’est que ce film est une copie malheureuse de New York New York, réalisé par Martin Scorsese en 1977 avec Liza Minelli et Robert De Niro (si vous ne l’avez pas vu, courrez le voir, c’est de la bonne). Le musicien de jazz qui cherche à créer son club, la jeune artiste qui rêve de célébrité, la romance entre les deux et leur séparation, tous ces éléments sont les mêmes dans La La Land et New York New York, sauf que dans le cas du second, nous sommes face à une vraie comédie musicale. De plus le jeu de Ryan Gosling et Emma Stone est terne, ce qui est étrange quand on connait le talent des deux acteurs.
Maintenant je dois vous avouer quelque chose dans un plot twist digne des plus grands films de Night Shyamalan : j’ai aimé La La Land (*insérez ici une musique dramatique*), c’est un mauvais film, mais un bon divertissement. Oui il m’a laissé un goût amer dans la bouche, parce qu’il avait du potentiel, potentiel gâché. ça n’en fait pas pour autant un film à jeter en disgrâce, mais il ne mérite certainement pas toute l’attention qu’il reçoit, ni ses 14 nominations aux Oscars, sauf peut-être pour la photographie, et encore. Mon avis personnel est que c’est un film qui est arrivé au bon moment, il est sorti à une période où les gens avaient besoin de cette petite romance sans prise de tête, vaguement poétique et musicale, parce que oui La La Land donne le sourire, ce qui explique sont succès. Je pense maintenant qu’il faut remettre les choses à leur place et prendre ce film pour ce qu’il est : un film agréable, que l’on peut regarder pour se remonter le moral (avec un pot de glace à la vanille et un verre de Chardonnay comme toute bonne américaine en post-rupture), mais certainement pas le chef-d’oeuvre que l’on en fait. Je n’encourage pas à détester le film, ni même à cracher dessus, je propose juste une chose : arrêtons de parler de La La Land.
Mis à jour le 29 octobre 2017